Aujourd’hui, vous pouvez écouter de la musique sur votre téléphone, un ordinateur, une enceinte connectée ou même en voiture. Avant d’en arriver là, le chemin fut long.

Au XIXe siècle, la musique préenregistrée sur un disque phonographique était jouée mécaniquement sur un appareil nommé le gramophone. Il représente une révolution par rapport à ces précurseurs : le phonographe et le graphophone.

Le gramophone reste à l’origine de la production en masse de disques. Il est resté présent dans les foyers jusqu’à la seconde guerre mondiale. Des tourne-disques plus perfectionnés seront mis au point par la suite, mais il faut se rappeler cet appareil comme le pilier de l’excellence et le moteur du succès de l’industrie musicale moderne.

Sommaire

Le duel Edison Vs Bell et Tainter, une aubaine pour Berliner

Au début des années 1880, un duel opposait Thomas A. Edison et l’équipe du laboratoire Volta composée de Chichester A. Bell et Charles Sumner Tainter.

L’objectif ? Transformer le phonographe à feuille d’étain d’Edison de 1877 en un instrument avec le même succès que la machine à écrire. Il s’agissait de construire un meilleur appareil et trouver une substance pour remplacer la feuille d’étain comme support d’enregistrement.

En 1887, les deux parties ont annoncé l’invention d’une machine utilisant un cylindre de cire. Edison, conservera le nom phonographe pour désigner son invention alors que Bell et Tainter nommeront le leur, graphophone Malheureusement, aucun des deux appareils ne connaît un grand succès.

Alors que la compétition entre Edison et Bell/Tainter se poursuit, Émile Berliner commence à s’intéresser à l’avenir de l’enregistrement et de la reproduction du son.

Comme il l’avait fait précédemment pour le téléphone de Bell, l’allemand commence par examiner en détail le phonographe et le graphophone. Il ne tarde pas à tirer les conclusions suivantes. Le cylindre de cire, bien qu’il représente une grande amélioration par rapport à la feuille d’étain, s’avère trop mou et fragile pour permettre un enregistrement permanent.

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Le gramophone et l’inspiration du phonautographe

gramophone en bord de fenetre

Pour concevoir le gramophone, Berliner opte pour le format disque couplé à la vibration latérale utilisée par Édouard-Léon Scott de Martinville dans son phonautographe. Cet appareil servait à enregistrer visuellement les vibrations de la voix pour faciliter l’étude de la parole humaine par les spécialistes.

Après de nombreux essais infructueux, il est parvenu à un procédé consistant à recouvrir un disque de zinc. Les vibrations étant fixées dans le zinc, le disque pouvait être placé sur une platine et le son reproduit avec un stylet en acier. C’est ainsi que les premiers disques ont été fabriqués.

Contrairement aux appareils à cylindre qui pouvaient être utilisées pour l’enregistrement et la lecture, la méthode de Berliner nécessitait une machine pour chaque processus. Pour désigner l’ensemble de l’opération, l’inventeur a inventé le mot “gramophone” (dans les premières publicités, il était souvent écrit Gram-o-phone).

Le 8 novembre 1887, Berliner obtient les premiers brevets de son invention et continuera à breveter des améliorations à son gramophone pendant le reste du siècle et même au début du vingtième siècle.

Le succès immédiat du gramophone

enfant a coté d'un gramophone

Au début des années 1890, Berliner avait déjà lancé le gramophone sur le marché et le succès s’avère immédiat. Plusieurs raisons expliquent cela.

Jusqu’en 1894, les disques étaient facilement cassables et rapidement usés en raison de la cire qui les composent. Ils ne pouvaient pas être produits en masse et ne pouvaient être copiés en nombre limité que par des moyens mécaniques. Leur stockage constituait également un problème. Les cylindres étaient larges et il fallait utiliser des boîtes pour les protéger.

Le titre d’une musique et le nom de son interprète ne pouvant être inscrits sur les cylindres, des feuillets de papier imprimés étaient insérés dans la boîte de rangement. Résultat, ils se perdaient aisément.

  • Le disque du gramophone était difficile à casser et pouvait être produit en masse

  • Il ne nécessite pas de boîtes de rangement et prenait très peu de place dans la maison

  • Les disques disposaient une zone centrale vierge où le titre, l’interprète et le numéro du disque pouvaient être gravés.

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À la fin des années 1890, le marché du disque Berliner a commencé à s’étendre à l’étranger. Le créateur du gramophone avait obtenu des brevets en Allemagne et en Angleterre en 1887. Au cours des deux années suivantes, il ajouta l’Italie, la France, la Belgique et l’Autriche.

En 1894, Berliner créé la United States Gramophone Company, qui recodait et fabriquait des centaines de disques par an. 1896, il autorise un groupe d’hommes d’affaires à vendre et à distribuer ses produits. Ils formèrent la Berliner Gramophone Company. Ses fils, Herbert et Edgar, ouvriront la Berliner Gramophone Company de Montréal en 1899.

Le disque et le gramophone de Berliner n’ont pas été supplantés pendant près de soixante ans. Jusqu’au disque microsillon, il n’y a pas eu de changement fondamental par rapport à ce qu’Emile Berliner avait commencé en 1890.

Les gramophones ont reçu de nombreuses améliorations, les diaphragmes et le stylet d’enregistrement ont été améliorés. L’alimentation de la machine se faisait désormais avec un moteur électrique. Les matrices en zinc ont été transformées. La vitesse de rotation est passée à 78 tours par minute, et en 1925, le procédé d’enregistrement électrique a été mis au point.

La plus grande innovation est venue en 1894. Berliner a imaginé un moyen de créer des disques de forme plate. Il a ensuite travaillé à l’amélioration de la machine de lecture avec Elridge Johnson.

Johnson a breveté un moteur à ressort pour le gramophone de Berliner. Ce moteur permet à la platine de tourner à une vitesse régulière et élimine la nécessité de tourner le gramophone à la main.

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La marque déposée “His Master’s Voice” est transmise à Johnson par Émile Berliner. Celui-ci a commencé à l’imprimer sur ses catalogues de disques Victor, puis sur les étiquettes en papier des disques. Rapidement, “His Master’s Voice” est devenue l’une des marques les plus connues au monde et reste toujours utilisée aujourd’hui.

Concurrence illégale et fin du gramophone

radio

En 1898 est apparu le premier des concurrents illégaux attirés par le succès financier de l’invention de Berliner. La machine et le disque Wonder fabriqués par la Standard Talking Machine Company. C’était simplement une copie d’un disque Berliner mais avec le chiffre “1” ajouté au numéro.

L’année suivante, des publicités apparaissent pour le disque et la machine Vitaphone fabriqués par l’American Talking Machine Company. Les avocats de la Berliner Gramophone Company ont fait remarquer qu’ils violaient le brevet de l’allemand.

Le Vitaphone est fermé, mais pas avant d’avoir vendu un nombre considérable de disques, pour la plupart originaux. Enfin, il y eut le Zonophone fabriqué par l’Universal Talking Machine Company.

Peu à peu, au fil des années, la contribution d’Émile Berliner à l’industrie a commencé à s’effacer des mémoires. Le mot “gramophone” a fini par être abandonné au profit du mot “phonographe”. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques et les habitants d’autres pays ont continué à l’utiliser pour désigner un disque ou une machine à disque.

Aux États-Unis, le terme gramophone a été à l’origine du nom “Grammy” et du logo, utilisé pour les récompenses décernées chaque année par les membres de la Recording Academy.

Les gramophones sont restés populaires jusqu’à la fin des années 1980. L’apparition des médias numériques signera leur fin complète même si on les retrouve auprès de collectionneurs et d’amateurs d’objets anciens.

Le gramophone a été l’un des précurseurs de la musique moderne. L’invention d’Émile Berliner a changé la manière de produire et d’écouter la musique.

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